samedi 23 octobre 2010

Roms : Flaubert indigné




« (…) Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols, et j’ai entendu de jolis mots à la prud’homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On na retrouve chez tous les gens d’ordre.
C’est la haine que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Il est vrai que beaucoup de choses m’exaspèrent. Du jour où je ne serais plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui ont retire son bâton (…)


Ainsi s’exprimait Gustave Flaubert dans une lettre à George Sand posté à Croisset le 12 juin 1867. Sa résonance est on ne peut plus actuelle; il est étrange, lorsqu’on songe aux nombre de lettrés qui peuplent les allées du pouvoir comme celles de l’opposition, qu’aucun n’ait songé à l’inviter au débat. Il est vrai que, comme le remarque l’historien de la littérature Michel Drouin, cette salutaire indignation ne fait pas oublier sa haine de la démocratie, du suffrage universel et de l’instruction pour tous, tenues pour la honte de l’esprit humain, et son apologie d’un gouvernement de mandarins, considéré comme le seul valable. Quatre ans après cette lettre sur les Roms, ce sera l’écrasement de la Commune, dont Flaubert et d’autres eurent à se réjouir.

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