mardi 27 décembre 2011

Tsiganes – Le chant des Roma…..- (13)




-13- Romano Kheliben

Dans l’Europe de l’Est d’aujourd’hui, le lyrisme de l’âme tsigane ne s’est pas éteint, et s’est peut-être même amplifié, notamment grâce à des musiciens qui ont pris le parti d’enseigner enfin une tradition musicale romani, créant parfois des écoles pour cela.

Dans cette tradition, il reste difficile, ce que Liszt remarquait déjà, de séparer la danse de la musique et du chant. Romano kheliben est l’expression qui énonce cette osmose, et qu’on traduit le plus souvent par danse romani. Elle représente le peuple Roma, sa culture et son histoire, mais c’est également une manifestation individuelle, où le pouvoir émotionnel provient de l’intérieur du danseur tandis qu’il s’abandonne à son art.

Comme ans la musique, c’est un instrument à travers lequel peut s’écouler le principe même de l’existence, et c’est sans doute avant tout la liberté. Celle de s’extérioriser individuellement et collectivement, la seule possible pour un peuple sans patrie.

Parce que le Rrom a été si largement ostracisé et opprimé, il peut à travers romano kheliben partager avec le reste du monde la vibration artistique singulière que fait monter sans cesse la mélancolie d’un passé chargé de mystère, la nostalgie qui depuis toujours constitue l’essence de son chant d’éternel déraciné.

Partout où se trouvent des Roma se retrouve cette passion. En Andalousie, elle se nourrit d’un feu intérieur qui, se refusant à éclater sinon par brèves lueurs, a donné au flamenco son austère et captivante grandeur. Car ce sont bien les tribus Gitanes qui ont mené à la forme définitive du cante jondo, unissant aux éléments autochtones ceux qu’elles apportaient et provoquant la création de chants qui ouvrent la foie par où s’écoulent les douleurs d’une race.

Ainsi se perpétue le paradoxe du flamenco, blues de l’Andalousie tsigane, musique et danse qui sait se faire à la fois rayonnante et sombre, et qui malgré son âge vénérable laisse encore entrevoir, hors des clichés touristiques, d’éblouissants renouvellements.

Là, comme dans la libération débridée des orchestres d’Europe de l’Est, apparaît soudain le charme, l’envoûtement dans lequel nulle émotion véritable n’est possible, ce démon furieux et dévorant qui se plaît à jouer avec tous les risques de la vie, jusqu’à celui de la mort.

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