jeudi 25 avril 2013

Camps de Concentration



Nous avons retrouvé un livre que m’avait laissé mon père, intitulait « Camps de concentration ».

Nous pensons qu’il est bon de le partager mais vu son état nous ne pouvons pas le scanner (photo ci-dessous)

De ce fait nous taperons le dit livre et vous livrerons les témoignages et les écrits très forts de ce document et vous livrons le premier jet ce jour.








Documents pour servir à l’histoire de la guerre : Camps de concentration du 15/11/1945
–Offre Français d’Edition-

PREFACE

Camps de Concentration est le quatrième volume de la collection « Documents pour servir à l’histoire de la guerre ».

Un sujet aussi vaste et aussi important (car c’est le domaine où la barbarie nazie s’est exercée avec le plus de méthode et avec cette insouciance que donne l’assurance de l’impunité) a déjà été traité dans bien des rapports, a fait l’objet de nombreux et intéressants témoignages et d’émouvants récits. Mais il est évident qu’aucune conclusion positive ne pouvait être tirée de ces documents, dont chacun traitait soit d’un camp soit même souvent de la portion de camp, où se limitaient les horizons de l’auteur de la déposition.

Pour eux les noms d’Auschwitz, de Buchenwald, de Dachau, de Mauthausen, d’Ellrich, de Bergen-Belsen, de Ravensbrück, de Neuhengamme, de Struthoff, de Maidanek ou de Sachsenhausen sont devenus tristement célèbres, mais cette célébrité dans l’horrible contribue à donner une idée imparfaite de la réalité.

En effet, pour un camp de première importance comme Auschwitz où périrent huit millions d’hommes, combien d’autres camps demeurent méconnus où pourtant, quoique à une échelle restreinte, la torture et la mort ont également fait leur œuvre.

J’ai pensé qu’il fallait faire connaître à l’opinion publique mondiale que l’Allemagne nationale-socialiste dans son ensemble (à quoi il faut ajouter les territoires sur lesquels le IIIème Reich avait mis sa griffe) n’était qu’un immense camp de concentration et que par conséquent si l’on voulait faire autre chose qu’un récit de plus, il fallait établir un document de synthèse. C’est ce travail que nous avons essayé de réaliser et, bien qu’il soit certainement incomplet sur bien des points, j’espère que nous ne sommes cependant pas arrivés trop loin du but.

Ce travail concernant l’entité « camps » ne doit pas faire mention de certains en particulier et c’est pourquoi aucun d’entre eux n’est cité dans le texte, sauf dans les rares cas où cela fut vraiment indispensable. Le même critère nous a dirigé lorsqu’il s’est agi de noms de bourreaux ou de victimes.

En effet, chaque témoignage n’est qu’une fraction d’un « crime unique » dont nous voulons reconstituer ici l’exécution.

Nous avons donc pris cent témoignages et dépositions et vingt-cinq rapports qui forment le dossier de cet ouvrage. Ces documents réunis, il ne pouvait être question de les publier in extenso l’un à la suite de l’autre : tous se seraient répétés  et les points importants et originaux de chacun d’eux auraient été noyés.

Nous avons ensuite extrait de chaque déposition, de chaque témoignage, de chaque rapport, tous les passages qui permettaient de réaliser à partir d’éléments de preuves nettement définis, une synthèse anonyme mais juridiquement et scientifiquement exacte.

L’ouvrage présente ainsi une série de chapitres et de sous-chapitres traitant de chaque aspect, de chaque question, depuis le départ pour le camp jusqu’au four crématoire.

Tous ces chapitres ou sous-chapitres sont composés d’une suite de paragraphes qui sont autant de citations (chacune d’elles porte un numéro renvoyant au dossier).

Ces citations ayant une valeur de documents, nous ne nous sommes pas reconnu le droit de  les transformer d’aucune façon ; nous n’avons pas non plus ajouté de texte de liaison entre les citations, ce qui aurait chargé l’ouvrage sans ajouter rien à sa valeur documentaire. Si par conséquent, certains passages vous paraissent peu clairs et le style de quelques paragraphes un peu confus, nous nous en excusons à l’avance.

D’autre part, vous vous apercevrez que l’on passe parfois du masculin au féminin à l’’intérieur même d’un chapitre. Chaque fois que cela nous a été possible, nous avons traité séparément des hommes et des femmes, mais là où la différence de sexe ne le justifiait pas, les textes ont été  mêlés.

Ainsi réalisé, cet ouvrage, non seulement par le déroulement de tous les aspects du calvaire des déportés dans les camps, mais aussi par l’exposé d la façon dont a été conçue et réalisée cette entreprise d’extermination des peuples, montre clairement qu’au-delà des forfaits individuels, il y a crime collectif et qu’au-dessus des exécutions, le véritable coupable est la doctrine qui a permis la justification préalable de ces horreurs et en a méthodiquement envisagé l’exécution. Il montre que l’importance qu’attachent les hommes de bonne volonté au problème des crimes de guerre et l’anxiété avec laquelle ils attendent la solution pratique qui lui sera donnée, ne sont pas injustifiées : de l’un comme de l’autre dépendent en effet l’organisation internationale de demain et la paix du monde.

Il n’a pas encore été donné de définition juridique précise du « crime contre la personne humaine ». c’est par suite d’une parfaite identité de vues sur ce qu’il définit très bien comme un crime international de droit commun : « atteinte à titre racial, national, religieux ou politique, à la liberté, aux droits ou à la vie d’une personne ou d’un groupe de personnes innocentes d’une infraction, dépassant la peine prévue », que la réalisation de cet ouvrage a été confiée à M. Eugène ARONEANU. Je le remercie ici d’avoir mené à bien se considérable travail.

Jacques BILLIET
Directeur du Service d’Information
Des Crimes de Guerre





DEPART

« Le convoi comprend environ 1 000 à 1 200 personnes,  hommes, femmes, enfants, vieillards, de toutes les classes de la Société et de toutes les nationalités.

On voyait emmener les femmes accouchées depuis quelques jours avec leurs enfants, des vieillards informes que l’on transportait sur des brancards, des grands mutilés, des enfants en bas âge. Celui des S.S. qui était chargé de ramener des  enfants de la pouponnière de Neuilly, est rentré en disant qu’il n’avait pas eu le courage de ramener des poupons. A ce moment le Haupt-sturmfüher a fait partir un autre autobus qui est revenu avec les enfants ; 350 ont été ainsi déportés. Malgré les bouteilles thermos, le lait condensé et les bouteillons d’eau qui leur étaient remis au départ, la plupart des enfants sont morts en cours de route.

Les S.S. nous déshabillent et nous mettent tout nus, 140 personnes par wagon de marchandises ; les célèbres wagons : 40 hommes - 8 chevaux. C’était un enfer.

Tout fut fermé hermétiquement.

Nous ne pouvions ni nous asseoir ni nous accroupir. En ce qui me concerne j’ai passé la nuit sur un pied, ne pouvant poser le second par terre.

Au milieu du wagon, une tinette pour faire nos besoins qui a été pleine au bout de quelques heures et qui débordait et répandait une odeur épouvantable. Ensuite, les gens faisaient leurs besoins à même le wagon, et nous avons dû effectuer le voyage dans une odeur pestilentielle.

Pendant le parcours, de nombreuses tentatives d’évasion eurent lieu …. Ces évasions extrêmement dangereuses ne pouvaient avoir lieu dans tous les wagons. Nous n’avons pu le faire car le nôtre était placé à côté de celui des S.S. et se trouvait sous leur surveillance constante. Les évasions ont eu lieu surtout la deuxième nuit lorsque nous étions encore en France. Les uns ont pu ouvrir leur wagon, les autres ont pu forcer les lucarnes dont ils ont cassé les barreaux. Lorsque les S.S. s’apercevaient d’une évasion, le train stoppait, la chasse commençait, à l’aide de projecteurs placés sur des tourelles et des mitrailleuses posées à l’avant et à l’arrière du train. Les S.S. se précipitaient des wagons à la recherche de ceux qui se sauvaient et tiraient sur eux. Le dernier wagon du train, resté vide, était destiné à recevoir les cadavres. Il recevait non seulement les tués, mais encore les blessés qui étaient mélangés pêle-mêle avec les morts. J’ai revu ce wagon à Buchenwald, d’où s’échappaient des râles et des plaintes des blessés. J’ai su d’une façon absolument certaine que tous ceux-ci ont été achevés et envoyés au crématoire avec les morts.

Toutes les tentatives d’évasion furent férocement réprimées.

Dans les wagons où les évasions avaient eu lieu les détenus ont été mis entièrement nus, un certain nombre, pris comme otages, étant fusillés sur-le-champ.

J’ai vu l’exécution devant un wagon dans un trou de bombe.

Quelques jeunes gens furent choisis à la hâte …. Nous vîmes arriver les cinq jeunes qui avaient été choisis tout d’abord, chacun était accompagné d’une gendarme allemand portant un pistolet. Au moment où ils parvinrent dans la tranchée, chaque gendarme s’empara d’un détenu, le plaqua contre la paroi de la tranchée et lui tira un coup de pistolet dans la nuque.

Quelques camarades recouvrirent les corps, avant de partir, de quelques pelletées de terre.

Le voyage a duré huit à dix jours, pendant lesquels nous avons eu deux fois de la soupe et deux fois du pain.

Pour faire le trajet de Cherbourg à Hazebrouck, le convoi a mis neuf nuits et dix jours.

Nous étions tous torturés par la soif, j’ai vu certains de mes camarades en arriver à boire leur urine, d’autres lécher la sueur sur le dos des autres déportés, d’autres encore récupérer la condensation sur la paroi des wagons.

En gare de Brême, l’eau nous a été refusée par la Croix-Rouge allemande qui a déclaré qu’il n’y avait pas d’eau pour nous.

Nous étions morts de soif. A Breslau, les détenus ont à nouveau supplié les infirmières de la Croix-Rouge allemande de nous donner un peu d’eau. Elles sont restées insensibles à nos supplications.

Pas d’eau, une chaleur torride, pas d’air (les volets étant fermés).

A chaque arrêt ce ne furent que des voix suppliantes, partant des wagons, demandant de l’air. Un officier allemand répondait chaque fois invariablement  « vous n’avez que ce que vous méritez ».

Lors des haltes, ceux qui se hasardaient à ouvrir une fenêtre et à demander du secours à la police allemande, qui accompagnait le convoi, recevaient un coup de revolver ou une rafale de mitraillette, puis étaient achevés.

Deux camarades sont morts étouffés. Personnellement, jusqu’au matin je m’occupai à donner des soins à mon ami qui souffrait d’une crise cardiaque.

Vers dix-sept heures on comptait une centaine de cas d’asphyxie, puis le nombre alla augmentant de minute en minute.

Dans chaque wagon on a observé des cas de folie caractérisée. Certains détenus ont dû même tuer d’autres détenus devenus fous et dangereux.

Dans un certain wagon, il y eut des scènes horribles, au cours desquelles, dans des cas de folie collective, les détenus s’entretuèrent avec une cruauté inouïe.

J’ai vu de mes propres yeux un convoi de détenus qui étaient tous devenus fous.

Dans un des wagons, 64 déportés arrivèrent morts, asphyxiés.

Il y avait, dans mon wagon, 82 cadavres sur les 126 personnes au départ. Inutile de vous dire que dans les autres wagons, c’était à peu près pareil.

A l’arrivée au camp, on comptait 896 morts.

Sur les 1 200 Français, 500 à peine sont arrivés.

Mon convoi, composé de 2 500 détenus au départ, avait perdu en cours de route, dans des conditions atroces jusqu’alors jamais vécues, 912 détenus.



A suivre  ARRIVEE

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